L’arrivée des TIC(1) a permis l’émergence de nouveaux périphériques de visualisation de l’information. De l’ordinateur de bureau, nous sommes passés à l’ordinateur portable, et la multiplication des accès réseaux, avec ou sans fil, ont définitivement autorisé le nomadisme.
Un pas supplémentaire était franchi lorsque les téléphones instruits(2) _les smartphones_ se sont dotés d’écran plus grand, 4″ puis 5″ et plus, et d’une instruction particulière qui les rend aptes à afficher aisément des contenus variés : textes, images, vidéos, sons… Ils permettent aussi d’accéder au réseau Internet comme avec un ordinateur, et ce dernier semble progressivement délaissé au profit de ces nouveaux usages.
Enfin, les tablettes, un intermédiaire entre l’ordinateur portable et le téléphone instruit, est arrivé. Doté d’un écran plus grand que le smartphone, il est plus confortable pour y regarder des contenus.
Pour favoriser le multicanal de consultation des contenus, les outils de publication des sites internet détectent le périphérique qui vient de s’y connecter, et adaptent automatiquement le format de l’affichage pour coller au mieux au périphérique : téléphone instruit, tablette, ordinateur.
J’écris un article, dois-je me laisser influencer par le périphérique sur lequel on le visualisera ?
Là est toute la question.
Il est réel qu’il y a une perte de vitesse de la consultation de contenus sur ordinateur(3) au profit des autres périphériques, smartphone et tablette. L’utilisateur trouve visiblement plus pratique de concentrer en un seul matériel, le smartphone, tout ce dont il semble avoir besoin, quitte à rogner en confort. Les écrans plus petits fatiguent la vue. La frappe de texte n’est pas aussi aisée que sur un clavier informatique. La qualité de la restitution du son n’est pas aussi bonne que sur une installation dédiée à cela.
Et puis, il y a les effets induits : le défilement du texte sur un écran plus petit, le fameux « scrolling », (celui que l’on fait avec le doigt par un mouvement de bas en haut) finit par « formater » le contenu qui sera lu par l’utilisateur. Après quelques mouvements de scrolling, l’impression de « longueur » de ce qui est publié envahit l’esprit du lecteur, sa lassitude jaillit parce que la sensation d’instantanéité a disparu (tout doit aller vite avec le net), et il stoppe la lecture car il est désormais impensable de prendre du temps pour lire des choses « longues ». Il y a tellement d’autres choses à voir, à lire…
Le scrolling formate la longueur des articles…
et appauvrit leur contenu.
Afin de capter et conserver son lecteur jusqu’au bout de l’article, le rédacteur sera tenté d’en réduire volontairement la longueur en suivant les conseils des pros du net. Ceux-ci vous diront que pour satisfaire les usages des lecteurs sur smartphone, il faut tenir en 3 ou 4 pages de 5″ de diagonale d’écran. Il est impératif de se limiter à l’essentiel : donner la solution, ne faire qu’une illustration visuelle (dataviz), rapporter un fait sans contexte précis et questionner/commenter succinctement. Le lecteur arrive au bout de l’article sans avoir été atteint par la « sensation » de lassitude… OUF ! Le rédacteur et le site web ont conservé leur lectorat, qui va peut-être rester sur le site et regarder autre chose : l’idée est d’essayer de conserver le plus longtemps possible sur son site, la personne qui y est connectée, pour de nombreuses raisons qui ne seront pas développées ici.
La lecture sur smartphone ou tablette conduirait l’auteur d’un article au simplisme, puisqu’il simplifiera à outrance un propos complexe pour le faire tenir en 3 ou 4 écrans de smartphone :
- contextualisation moins développés, pas de mention des sources (cela prend trop de place)
- suppression de la continuités de raisonnement (situation, analyse, choix, arguments) pour se focaliser uniquement sur un aspect, indépendamment du reste, nivelant la complexité de la réalité
- informations incomplètes (pourquoi sans comment, comment sans pourquoi, solution sans justification, énoncé trop superficiel pour être compris correctement et réduire les risques d’interprétations ou de méprises)
Mais alors, comment un rédacteur peut-il être pertinent en réduisant la longueur de sa publication ?
Pour écrire ce que l’on a mangé à midi, l’art de la synthèse est sans doute approprié. Pour écrire un article de fond, vouloir à tout prix tenir en 3 ou 4 pages de 5 pouces de diagonale est sans doute une erreur. Il faudra alors intégrer le fait que le lectorat qui n’utilise qu’un smartphone ou une tablette sera moins enclin à lire l’article en totalité (c’est peut-être le cas ici).
Simplisme ou pas de simplisme ?
Chaque rédacteur écrit pour partager du contenu. Il adaptera le format de son article en fonction de sa conviction : s’autorise-t-il ou s’interdit-il le simplisme lorsqu’il traite de sujets de fond ? La réponse à cette question le fera choisir sa longueur d’article, et de fait, le périphérique le plus adapté pour la visualisation de sa publication. Le profil des lecteurs sera induit : ceux qui utilisent les téléphones instruits/tablettes ou ceux qui utilisent des ordinateurs. Il existera des effets collatéraux :
– s’il écrit pour la lecture sur ordinateur, il sait qu’il perdra sans doute des utilisateurs de périphériques plus petits
– s’il aborde un sujet de fond en restant trop simpliste, destiné à la lecture sur smartphone et tablette, il risque de ne pas satisfaire d’autres lecteurs qui s’attendent à un degré moindre de superficialité.
L’auteur est souverain de son choix, mais il doit connaître les effets induits.
Arno Delanchy
Consultant-formateur
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